Et si on parlait gluten ?

Voici un sujet qui fait polémique, avec ou sans gluten ? Qu’en est-il vraiment ? Les céréales font partie de notre alimentation depuis des millénaires. Alors pourquoi depuis quelques années, elles font l’objet de temps de polémique ? Je vais tout d’abord vous expliquer ce qu’est le gluten. Puis, je vous expliquerai les différences entre sensibilité et intolérance. Je finirai par quelques conseils.

Blé

Qu’est ce que le gluten ?

Le gluten est contenu dans les céréales tel que le blé, le seigle, l’avoine et l’orge. C’est une substance insoluble, verdâtre et gélatineuse qui a son utilité puisqu’elle donne aux farines leur propriété visco-élastique. Cela permet de rendre masticables les produits à base de céréales cuits au four. Le gluten est indispensable pour faire gonfler la pâte à pain. Il est aussi utilisé dans l’industrie agro-alimentaire pour donner de la structure aux pâtes feuilletées ou aux préparations à base de viande.

D’où vient le problème ?

Pour certains, c’est la faute du blé moderne. Les hybridations successives auraient créer des nouvelles protéines que nous ne pouvons pas assimiler. Les recherches faites au centre de compétences de la Confédération suisse pour la recherche agronomique ont montré qu’il n’y a pas de nouvelles protéines dans le gluten. Par contre, la sélection  en a modifié la proportion. En fonction de ce que l’on désire faire avec la farine, il est possible de favoriser un certain type protéine plutôt qu’un autre.

Le pain industriel est mis en cause également à cause des variétés modernes de blé utilisées et des procédés de fabrication. En effet, les variétés modernes sont uniformes, adieu la biodiversité qui fait la qualité nutritionnelle et le caractère d’une variété. Les chercheurs en ont pris conscience et proposent des améliorations en exploitant cette variabilité génétique en minéraux et micronutriments des grains de blé.

Quel est l’utilité de l’hybridation ? L’hybridation n’a rien à voir avec une manipulation génétique. C’est le croisement de deux variétés afin d’améliorer une céréale en choisissant et en multipliant les meilleurs individus issus du croisement de 2 variétés choisies. C’est prendre le pollen d’une plante pour le mettre sur une autre. Dans la nature, cela se fait naturellement avec le vent. Dans un champ, il y a en général, jusqu’à 5% d’hybrides naturels.

Dans ce contexte, de plus en plus d’agriculteurs et de boulangers se tournent vers les variétés anciennes. Les avantages sont nombreux pour le consommateur comme pour les professionnels. Économiquement car les variétés anciennes sont plus valorisées mais aussi pour la culture car le blé ancien est plus haut en paille ; les chaumes sont laissés sur les champs après la récolte du grain ce qui permet un retour organique au sol plus important. Plus besoin d’engrais. Par ailleurs, la farine a un arôme plus prononcé ce qui est très apprécié par les boulangers. Pour les consommateurs, le gluten contenu dans ces farines est plus digestes. Cela permet aux personnes sensibles de remanger du pain.

Pain.1 (3)

Côté procédés de mouture :

L’usage des meules métalliques et des broyeurs industriels ne permet pas d’obtenir des farines de qualité. Cette technique désagrège et fractionne les constituants du grain ce qui donne une farine constituée essentiellement de l’amande farineuse du blé appauvrie en particules de son. 

Lors de l’utilisation de la meule de pierre, le grain est écrasé par pression ce qui permet de garder les particules de son et une grande proportion du germe.

Résultat : une grande différence de composition ; avec le procédé industriel, une farine type 55 et avec le procédé meule de pierre, une farine type 80. Quelle est la différence alors ? Les 3/4 des micronutriments du grain de blé sont contenus dans le son. Quand il est conservé, la farine est donc plus riche en fibres, minéraux et vitamines.

Et les procédés de panification ?

Le manque d’utilisation des levains naturels, les levures chimiques, les ajouts de gluten, l’acide ascorbique et autres additifs diminuent la qualité nutritionnelle des pains. Les procédés courants ne laissent pas assez de temps de fermentation, la flore du levain n’a donc pas le temps de se développer. L’utilisation du levain permet d’avoir des pains plus denses, ce qui diminue l’index glycémique du pain et donc son impact sur l’absorption du sucre. Autre avantage du levain, il permet d’augmenter la durée de conservation du pain et son acidité est favorable à l’assimilation digestive des minéraux.

Pour Christian Rémésy  et Fanny Leenhart de l’INRA (unité de nutrition humaine) :

“Le pain peut avoir une excellente valeur nutritionnelle et organoleptique (qui affecte les organes des sens). Pourquoi l’a-t-il perdu ? Quatre raisons principales peuvent être avancées : la dévalorisation du blé, la production de farines sur cylindres plutôt que sur meules, l’accélération de la panification et l’usage excessif de sel.”

“Il est clair que la recherche du pain blanc, symbole d’abondance et de pureté, a contribué à dévaloriser la valeur nutritionnelle de cet aliment de base.”

Moulin

Autre cause :

Il est avancé que l’intolérance au gluten pourrait avoir une relation avec l’état de notre microbiote. Malmené par l’utilisation des antibiotiques et les changements de l’alimentation, la  nature de notre microbiote aurait changer dans nos intestins ce qui a perturbé notre immunité (celle ci se fait à 70% dans nos intestins). D’où l’augmentation exponentielle des intolérances alimentaires.

Différence entre sensibilité et intolérance :

Certaines personnes sont intolérantes au gluten. Quand elles en ingèrent, cela entraîne une réaction immunitaire anormale qui détruit petit à petit les parois de l’intestin grêle en provoquant une inflammation de la paroi. Cela perturbe l’absorption des nutriments est peu entraîné des carences. C’est ce que l’on appelle “la maladie Cœliaque”. Celle ci toucherait une personne sur 100 en Europe. Elle est connue depuis les années 1950. Les symptômes sont très divers : ballonnements, douleurs abdominales, diarrhée fréquente et malodorante, nausées voire vomissements, fatigue permanente, amaigrissement, troubles du caractère, perte de l’appétit, douleurs osseuses, inflammation de la langue, aphtes, carences multiples (anémie) et dans les formes les plus graves : ostéoporose sévère, cancers tels que les lymphomes… Les facteurs favorisant : l’absence d’allaitement maternel, l’introduction du gluten avant les 6 mois de l’enfant, une trop grande quantité ingérée, une perméabilité intestinale due à un déséquilibre de la flore intestinale.

Pour d’autres, le gluten peut provoquer un inconfort digestif mais sans réaction immunitaire. On parle alors de sensibilité au gluten non cœliaque. Cette pathologie est connue depuis les années 2000 mais les causes sont encore floues. Cela concernerait 6 à 13% de la population. Il n’y a pas d’examen qui permette de faire le diagnostic mais l’on sait que le fait de supprimer le gluten diminue les symptômes. Cette sensibilité peut être temporaire et disparaître au bout de quelques mois ou années.

Conseils :

Dans l’absolu, en dehors des maladies cœliaques et des personnes sensibles au gluten il n’est pas nécessaire de suivre un régime sans gluten. D’autant qu’en cas de maladie cœliaque, le seul remède est l’éviction complète du gluten ; c’est à dire le blé, le seigle, l’orge, l’épeautre, le kamut et leurs produits dérivés. Il faut également faire attention car il peut y avoir des traces de gluten dans des aliments comme les sauces, les bouillons et les soupes. Par quoi peut-on remplacer tout ça ? Le maïs, le riz, le millet, le sorgho, le sarrasin, le quinoa. La vigilance est nécessaire car le seuil de tolérance est très bas : entre 10 et 50 mg par jour (une tranche de pain contient 3 gr !). Il faut compter 3 à 6 mois d’éviction pour diminuer l’inflammation des intestins.

Mais si vous avez un doute sur votre sensibilité au gluten, voici comment procéder :

Premièrement :

Tester votre potentielle intolérance. C’est à dire, éliminer toute trace de gluten dans votre alimentation pendant 8 jours. Vous devriez déjà voir une amélioration des symptômes tel que maux de tête, ballonnements, gonflements et irritation de la peau… Par contre, si vous constatez une amélioration de vos symptômes en éliminant le gluten, il est primordial d’en parler à votre médecin. D’abord car vous pourriez passer à côté du diagnostic de la maladie cœliaque, le seul moyen de diagnostiquer cette maladie, c’est de constater l’inflammation des intestins. Or si vous avez déjà supprimé le gluten, le diagnostic sera faussé et cela peut avoir des conséquences graves.

Deuxièmement :

Eviter les farines industrielles. Préférez les farines bio de type 80 minimum et achetez votre pain chez un boulanger de confiance qui utilise des farines artisanales. Favorisez les céréales complètes (riz, pâtes…) et les légumineuses tout en évitant les aliments transformés. Découvrez d’autres céréales comme le quinoa, le kaniwa ou le fonio, le riz sauvage, l’amarante, le millet, le sorgho ou le keff, le sarrasin. Un beau panel de diversité !

Céréales

Troisièmement :

Chouchouter vos intestins. Je vous l’ai déjà dit, je me répète, c’est primordial ! Mangez le plus possible de légumes verts et de fruits pour faire le plein de fibres et de vitamines tout en réduisant la viande et les produits laitiers pour diminuer l’acidité.

Autres causes de troubles intestinaux :

D’autres pathologies peuvent causer les mêmes symptômes, il est important de les éliminer comme une prolifération de bactéries au niveau de l’intestin grêle, une intolérance au fructose ou au lactose, ou un trouble neuromusculaire.

Conclusion :

A moins d’être diagnostiqué intolérant ou malade cœliaque, il n’y a aucune raison de supprimer le gluten de son alimentation car les aliments qui en contiennent sont nécessaires et riches en nutriments. Par contre, il est impératif de les choisir de qualité : farines et céréales complètes. Parlez en à votre boulanger !

Sources :

  • Magazine “La salamandre” de juin-juillet 2018
  • “Les secrets de l’intestin” des Drs Louis Berthelot et Jacqueline Warnet
  • “Changez d’alimentation” du Pr Henri Joyeux
  • “L’alimentation fitnext” d’Erwann Menthéour
  • “Mieux manger peut vous sauver la vie” du Dr Michael Greger

Voici un film utile. Un film qui donne les clés pour comprendre comment des multinationales veulent confisquer le vivant. Un film qui donne envie de se battre pour sauver notre indépendance alimentaire.

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1 commentaire

  1. Sylvie BARCELO-NATALE

    Merci Céline pour ce tour d’horizon complet!
    C’est un de mes sujets du moment?
    Sylvie

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